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Avis du Mieterschutz - Projet de loi 7642

Avis du Mieterschutz Lëtzebuerg sur le projet de loi sur le bail à usage d’habitation (projet de loi 7642)

Mieterschutz Lëtzebuerg asbl porte un regard mitigé sur le projet de loi. L’exposé des motifs fait les bons constats, mais la loi ne va pas assez loin. En effet, elle ne va pas permettre de résoudre les problèmes rencontrés avec la loi actuellement en vigueur. Nous saluons l’introduction d’un cadre juridique et la reconnaissance des colocations, mais cette partie devrait mieux prendre en compte les intérêts des colocataires. A ne pas oublier que toute loi qui souhaite régler la situation sur le marché locatif devrait absolument s’inscrire dans une politique vigoureuse de construction massive de logements à louer par les pouvoirs publics, surtout parce que le Luxembourg est classé derrière d’autres pays européens, particulièrement en matière de logements sociaux.[1]

En ce qui concerne la garantie locative, nous saluons et défendons l’idée d’une réduction, mais la loi n’est pas assez ambitieuse. En effet, une garantie locative équivalente à un mois de loyer devrait amplement suffire. En outre, le Mieterschutz revendique l’instauration d’un fonds étatique qui émet des prêts sans intérêts pour payer la garantie locative et alléger ainsi les obstacles à l’accès au logement, surtout pour les couches moins aisées et les familles nombreuses qui ont besoin de logements plus grands et donc plus chers. Des exemples similaires existent déjà à l’étranger, comme en Flandre (Belgique). La procédure d’octroi et les conditions devraient être simplifiées et le demandeur (locataire) doit impérativement recevoir une réponse sous 48 heures. En effet, une réponse trop tardive pourrait entraîner une situation où le propriétaire loue un logement à une autre partie intéressée, ne voulant pas attendre trop longtemps. L’origine étatique des fonds ne devrait pas être visible pour le propriétaire afin de ne pas discriminer les demandeurs. Le système belge de garantie locative bloqué sur un compte épargne à deux signatures représente aussi une bonne solution qui a fait ses preuves. Le montant est débloqué à l’échéance du contrat, soit par un accord écrit entre le locataire et le bailleur portant sur la libération de la garantie locative ou par un jugement du juge de paix ordonnant la libération de la garantie locative.

Au moment où un locataire conclut un contrat de bail, le législateur devrait inscrire l’obligation, dans tous les cas, d’un état des lieux à l’entrée et à la sortie du locataire. De plus, nous revendiquons que le premier loyer ne soit à payer au plus tôt qu’au premier jour où le contrat de bail entre en vigueur.

Le Mieterschutz exprime sa grande surprise quant au fait que l’exposé des motifs cite des exemples étrangers concernant le paiement des frais d’agence (à la charge du demandeur, en général le propriétaire), mais que le législateur, par la suite, semble ignorer ces exemples et préfère créer un modèle « luxembourgeois » sans être en mesure de présenter des arguments valables et sensés. Pour nous, il n’est que logique et sensé que celui qui engage une agence devrait payer les frais d’agence. De ce fait, la loi laisse à désirer.

Nous saluons l’introduction de dispositions concernant les colocations, or le Mieterschutz observe des défaillances et des améliorations à faire. La loi ne doit pas permettre que le risque d’un éventuel non-paiement de loyer par une partie soit simplement réparti entre les autres locataires. A notre avis, il faut responsabiliser chaque colocataire par un contrat de bail individualisé, ce qui permet aussi des démarches pour l’obtention du REVIS et de l’allocation de vie chère. La loi pourrait prévoir la possibilité de lier les contrats de bail individualisés à une convention générale pour tous, réglant les aspects communs. L’esprit des auteurs de la loi était clairement de favoriser et de faciliter les colocations pour les propriétaires, sans créer un équilibre des relations entre locataire et bailleur.

La question du capital investi, réglée de façon imprécise dans la loi de 2006, est probablement la question la plus discutée. Pour le Mieterschutz, le gouffre entre les attentes et espoirs, d’une part, et les dispositions présentes dans le projet de loi, d’autre part, ne pourrait être plus considérable.  En effet, le projet de loi ne change presque rien aux dispositions actuelles et il n’y a guère de point qui mérite d’être salué dans ce contexte, à part la volonté de réduire les abus concernant les logements meublés et l’abolition de la notion de logements de luxe. Selon le Mieterschutz, la loi doit obliger le propriétaire à indiquer le capital réellement investi dans le contrat ainsi que le loyer de référence. Le législateur devrait veiller à ce que le propriétaire ne puisse pas simplement faire « valider » le montant non prouvé du capital investi par le locataire via le contrat de bail. En outre, il faudrait remplacer les 5% par un autre mécanisme. Le législateur ne propose pas de justification pour le maintien des 5%, un pourcentage qui a été fixé dans les années 1950 et qui n’est nullement adapté à la situation d’aujourd’hui. Afin de calculer la limite maximale du loyer à payer pour les nouvelles constructions, on pourrait s’inspirer d’autres exemples, comme en Suisse, où le seuil maximal du loyer annuel ne doit pas dépasser de 0.5% le taux hypothécaire de référence. De plus, il paraît que le projet de loi permette à des propriétaires, ayant acquis un bien gratuitement, de calculer le loyer maximal sur la base d’un capital investi sans investissement de la part du propriétaire (Art. 3 §4). Cela va à l’encontre de l’esprit de la loi.

En ce qui concerne les commissions des loyers, le Mieterschutz souligne leur importance et leur rôle important dans la médiation entre bailleur et locataire. Nous recommandons l’instauration de trois commissions des loyers régionales selon les arrondissements juridiques, qui agiraient comme instance intermédiaire entre le niveau local et les justices de paix, au cas p.ex. où une commission locale n’existerait pas ou ne répondrait pas endéans les délais fixés. Les commissions des loyers devraient avoir la possibilité de s’autosaisir et de voir leurs compétences comme médiateurs élargies à tous les litiges concernant les logements et problèmes locatifs. Les commissions des loyers pourraient fonctionner comme un service de conciliation auquel un locataire peut s’adresser s’il estime le loyer abusif. Ce service contacterait alors le propriétaire afin de vérifier le bien-fondé du loyer fixé dans le contrat de bail.

La loi devrait également inscrire le principe de parité des commissions, c’est-à-dire qu’en outre du ou de la président-e, il faudrait un nombre égal entre assesseurs-locataires et assesseurs-bailleurs, ce qui actuellement n’est pas toujours le cas. Les locataires doivent pouvoir se faire accompagner par un tiers pour les aider à se défendre. Les commissions des loyers devraient également être professionnalisés et leurs décisions rendues publiques, tout en respectant la protection des données personnelles.

Pour conclure, le projet de loi ne propose que quelques petites améliorations, sans trop toucher aux principes de base pour les aspects les plus essentiels, comme le seuil du loyer annuel légal ou le paiement des garanties locatives. Nous sommes loin d’une véritable « refonte ». La loi ne va pas permettre d’endiguer la hausse des loyers ni de sensiblement améliorer l’accès au logement, surtout dans une situation où la crise du logement touche particulièrement ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter un bien.

Septembre 2020


[1] OGBL, Dossier #3. Supplément de l’Aktuell, 2019, p. 22.